Alors que je viens de laisser ma trace dans cette neige fraîche, éphémère mouvement déjà effacé, je reviens parmi les miens et me retrouve, comme nous tous, un samedi matin au supermarché. Il y a foule et la tension est palpable.
A la caisse, la queue s’étend. Là, dernière moi un jeune couple aux regards vides, essoufflé par le stress de leur semaine, subit sans même se regarder leurs enfants qui hurlent. La caissière, une élégante femme d’une 60aine d’années, aux yeux couleur bleu turquoise, interroge le vieux monsieur devant moi qui semble peiner à trouver son argent. Il doit retourner dans le magasin chercher un article et semble confus. Elle le rassure avec bienveillance et lui dit garder ses courses. Plus tard, elle s’inquiètera de ne pas le voir revenir. A mon tour, comme pour chaque client, la caissière me sourit avec bienveillance et s’intéresse à moi. Son attitude est chargée d’amour, de respect. Sa présence nous calme, nous fait relever la tête. La file d’attente est plus longue que pour les autres caisses et personne ne s’excite, bien au contraire, un calme étrange règne.
Inconsciemment, les clients semblent « la » chercher. La dame se tient droite, elle est apaisée et vit sa présence pleinement. Immobile, elle trace son chemin.
Alors que je cherche dans la nature l’élément qui me manque, le moyen de freiner, le lien ultime avec la source de la vie, là devant-moi, sans effort visible, cette dame nous montre comment revenir à l’essentiel : accepter ce qui est.
La caissière affiche aucune angoisse ou frustration. Elle fini ici sa carrière sans se prendre la tête. Qu’elle a été sa vie, son parcours ? Pas le temps de lui demander son histoire, demain je reviendrai avec des fleurs pour lui dire « merci d’être ainsi ».
Nous vivons tous avec des héros inconnus. Aveuglés par la pression, nous ne les voyons même-pas : pas le temps de prendre le temps. Quant à eux, discrètement, ils « tracent » sans cesse de nouvelles routes humaines que les robots de l’ère 4.0 auront bien du mal à remplacer… quelle belle leçon d’optimisme !
Laurent Cordaillat