Licencié à 55 ans, sidéré, stoppé net …

Daniel m’a trouvé sur Internet, il suit mes posts depuis quelques mois et décide de m’appeler. Nous nous retrouvons dans un café dans le Canton de Vaud, au bord du lac. Dès que je l’ai vu, j’ai été surpris par sa présence de « patron ». Le regard affirmé, il semble tout maîtriser et ne me laisse pas le temps de commander mon café, c’est fait.

Après de rapides présentations, Daniel est en meeting… Il me donne l’ordre du jour, les objectifs à atteindre et me sensibilise que le retour sur investissement doit être mesurable. Une fois son réflexe Corporate évacué, je m’intéresse à son histoire : que lui arrive-t-il ?

Après 20 ans dans la même grande entreprise, depuis 10 ans CEO, il ne l’a pas vu venir. Mais quoi donc ? Son « remplacement » pendant ses congés, à son retour de vacances, le voilà sur la touche au profit d’un plus jeune, plus performant et moins cher lui a-t-on dit avec « bienveillance ». Malgré un an de salaire devant lui, rien ne compense sa sidération et son dégout pour cette trahison. La violence du bannissement et de sa soudaineté le clou au sol, plus précisément sur son canapé le matin à 10.00, à ne plus bouger. Il attend que son téléphone sonne mais personne ne l’appelle. Quand il a découvert mon approche d’un accompagnement d’introspection … dans le mouvement, dans la nature, il se dit qu’après tout « cela » devrait compléter les services de outplacement financés par son employeur.

Je découvre que son déni est si fort qu’il ne peut pas accepter ce changement radical. Il tourne en rond comme un hamster dans sa roue. Face à son aveuglement, je vais tenter de le « bousculer », de le sortir de ses certitudes. C’est ainsi que je lui propose une première sortie en via ferrata. A ma surprise, il ne réagit pas, aucune résistance, il ne connaît pas cette pratique mais il ne semble pas s’inquiéter.

Le jour est planifié, nous voilà au pied de la paroi, Daniel ne nous écoute pas, le Guide et moi-même. Sa directivité nous surprend. Il nous explique pratiquement comment faire notre noeud, régler notre baudrier ! Nous veillons à sa sécurité et nous entamons notre ascension dans la verticalité. Les premiers pas lui semblent facile, puis vient le « gaz » de la hauteur, 50, 100 mètres. Le Guide est en 1er, je suis en 3ème et une corde nous assure en complément du matériel de sécurité propre à cette pratique.

Arrive le moment de rupture, Daniel a épuisé sa nervosité et s’est figé sur une petite vire. En dessous, c’est haut, au dessus c’est haut. Je monte vers lui, le rassure, avec notre Guide nous lui parlons lentement, nous avions prévu une sortie juste là sur la droite, en anticipation à cet instant de game over.

Heureux de sortir de cette épreuve, il passe des larmes à la fierté de l’avoir fait ! Une fois dans la forêt, je sors de mon sac à dos la fondue et le thé chaud. Daniel est vidé de son énergie et son regard devient bien plus humain. Il comprend qu’il tournait en rond dans le passé, emprisonné dans son ancienne identité.

Dans un élan d’amitié, il me lance « Tu sais Laurent, tu es un ostéo de l’âme » ce qui m’a touché, venant d’un homme aussi cartésien, maintenant revenu à sa source.

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